Lors d’un stage de formation auquel elle participe, une psychologue de grande expérience, ayant une activité professionnelle créative et reconnue, exprime qu’elle est en dépression depuis plus d’un an. Elle n’a plus ni goût pour son travail ni d’élan dans sa vie. Elle est fortement impliquée dans des actions sociales et est mariée avec un homme qu’elle aime. Elle est aussi en grand conflit avec sa mère et ses sœurs, et est à ce moment-là sous antidépresseurs. Le formateur propose aux stagiaires de faire une lecture du corps par groupe de trois, où deux participants cherchent à lire ce que le corps du troisième peut leur communiquer. Puis, instruit de la problématique d’Yvonne, il vient travailler dans son groupe.

Lorsqu’elle est debout, son corps donne une impression de tassement, comme si elle était écrasée par le haut. Le thérapeute lui propose alors de lui comprimer le corps en lui appuyant sur la tête pour accentuer ce rétrécissement. Cela soulage Yvonne : quelle que soit la pression du thérapeute, elle se sent bien. (Ce phénomène s’explique par le fait que quand le thérapeute appuie, il prend le relais des muscles constricteurs, ce qui permet à ceux-ci de se relâcher).

Le thérapeute alors propose de l’étirer dans le sens inverse. En montant sur une chaise, il étire ses bras vers le haut, comme pour la grandir. Émerge alors un cri déchirant, exprimant une détressen terrible. Le thérapeute questionne : « Qu’est-ce qui se passe ? » De nouveaux cris, extrêmement bouleversants, surgissent.

«Où êtes-vous? Quel âge avez-vous?

– J’ai 9 ans, je vois mon père qui part avec ma sœur. Si je reste avec ma mère je vais mourir.

– Qu’est-ce que vous voulez lui dire ?

– Papa, ne me laisse pas ! » Le thérapeute encourage Yvonne pour que la petite fille qu’elle était exprime sa détresse à son père et qu’elle fasse qu’il revienne vers elle. «Appelez-le, faites-le venir!» Petit à petit, Yvonne trouve la force de crier vers lui et de le faire revenir. Elle pleure alors à gros sanglots de chaudes larmes dans les bras d’un des participants qui, à ce moment-là, représente symboliquement la place paternelle.

Après cette séance, Yvonne a été comme « assommée » tout le lendemain, tout en étant dans un état très paisible. Elle digérait la séance, ne participant à aucun exercice, savourant son nouvel état d’être. La dépression avait disparu. Elle sentit très nettement qu’elle n’avait plus besoin de son traitement médicamenteux. On voit combien, dans la contraction du corps d’Yvonne, se trouvait la détresse refoulée reflet de ce qu’elle avait vécu.

La dépression, ou tout autre symptôme potentiel, peut surgir dans le présent:

– soit quand le corps sature dans sa compensation et qu’il n’a plus d’espace pour encaisser la névrose ;

– soit lorsqu’un événement dans la vie d’aujourd’hui fait résonner la souffrance originelle ;

– ou encore par un cycle temporel. Par exemple un trouble fort à 26 ans, peut à 52 ans, soit deux fois 26 ans, se manifester à nouveau.

C’est pour cela que quand ces symptômes surgissent, ils peuvent sembler venir de nulle part, envahissant soudain l’espace quotidien sans raison apparente. Ils ne sont plus compréhensibles, parce que les racines initiales sont oubliées. Modifier la posture a fait émerger cette souffrance et a permis de la transformer.

Cet exemple montre comment, en végétothérapie, le patient peut découvrir des espaces de lui-même hors de ses schémas habituels en modifiant sa posture, « l’armure » décrite par W. Reich. Ce peut être la posture dans son ensemble, comme avec Yvonne, ou un segment particulier, en faisant par exemple des grimaces sans restriction pour mobiliser la partie orale, ou en regardant différemment pour activer le segment oculaire.

Il est bon de préciser que, dans le cas d’Yvonne, ces résultats si puissants ont pu apparaître parce qu’elle avait déjà effectué un grand travail personnel. Ainsi, même si ses symptômes étaient très forts, sa base psychique générale profondément solide et cohérente lui a permis de retrouver son équilibre dès qu’elle a trouvé et réparé la situation originelle.