Olivia découvre que sa mère ne l’a jamais aimée
Olivia est une agréable et jolie jeune femme de 32 ans. Elle a de grandes difficultés avec ses relations amoureuses, qui sont souvent courtes et douloureuses. Et elle constate combien, dès qu’un homme lui démontre le moindre signal de tendresse, elle se sent dépendante de sa présence.
Dans sa vie, depuis toujours, elle se sent mal sans savoir pourquoi, cherchant des raisons mais n’en trouvant pas vraiment. Elle explique qu’elle n’a pas vécu la guerre, qu’elle devrait être bien, mais qu’elle est dans une détresse extrême. Rien ne la stabilise, ni ne la satisfait de manière pérenne. Adolescente, elle a été anorexique et a cru en mourir. Cela non plus, elle ne le comprend pas. Lorsqu’elle décrit ses parents, qui tenaient un magasin au rez-de-chaussée de leur maison familiale, elle peut seulement dire que sa mère souriait et que son père sifflait, sans pouvoir ajouter d’autres éléments. Cela ressemble à une « famille parfaite », mais dans un théâtre vide d’émotions et de vie affective.
Lors d’une séance où elle va à la rencontre de son corps et de ses sensations, elle sent un vide énorme dans son ventre, comme un trou sans fond. Le thérapeute l’encourage à intensifier cette sensation et à laisser venir les sentiments ou les émotions. Elle se sent comme perdue dans le vide. Le thérapeute lui demande alors si elle a des images ou une mémoire de cette sensation. Où est-elle?
Soudain, elle voit les yeux de sa mère et il lui vient la phrase : «Ma mère ne m’a jamais aimée!» À l’encouragement du thérapeute de sentir dans le corps ce qui se passe quand elle dit cela, elle ressent cette phrase comme une révélation. En la répétant, son corps se relâche, et elle se sent prise d’une grande tranquillité face à cette vérité révélée. Soudain, elle comprend que tous les combats contre ses sensations servaient à éviter cette évidence, pour maintenir cette image d’Épinal du milieu familial. Il ne s’agissait pas d’hostilité de la part de sa mère, mais simplement d’un manque de vie intérieure, comme si sa mère avait fonctionné de manière mécanique, sans affection.
Pour un enfant, boule de vie affective, il est incompréhensible que la présence vivante vienne à manquer, d’autant plus que, dans le cas d’Olivia, « le théâtre du bonheur » était plaqué sur ce vide. De réaliser cette vérité, pourtant douloureuse, lui donna un soulagement immense. Enfin, il y avait une raison à son mal-être chronique. Il n’y avait dans l’expression de cette patiente aucune colère, ni aucune rancœur. C’était comme si tous ces efforts pour fabriquer une mère qui n’avait jamais existé n’avaient plus besoin d’être là. Elle s’est enfin sentie avoir le droit d’être là, tout simplement.
Le cas d’Olivia démontre une fois encore que les désordres s’installent souvent par du quotidien défaillant, sans qu’il y ait de chocs ou de violence, ce qui laisse l’enfant désemparé devant le mystère de son mal-être. Dans le cas d’Olivia, ses parents faisaient de leur mieux, mais ils ne pouvaient pas donner à leur enfant ce qu’ils n’avaient pas eux-mêmes. Ils lui procuraient la nourriture, les vêtements, les sourires de la mère et les sifflements du père, mais aucune interaction. C’était un désastre, mais un désastre très joli, comme une dînette d’enfant. Ce genre de «famille parfaite» laisse l’enfant dans un désespoir silencieux. Il se dit en lui-même qu’il est vraiment «tordu» de ne pas être heureux alors qu’«il a tout». Mais c’est un tout bien vide.
Extrait du livre « La psychologie biodynamique. Une thérapie qui donne la parole à son corps ». Par François Lewin et Miriam Gablier. Le courrier du livre.